Histoire

Fièvre thermale, l'irrésistible explosion

« Je vais probablement tenter une grosse affaire : une ville d'eaux. Je veux lancer une ville d'eaux... »
Guy de Maupassant, Mont-Oriol

Certaines manifestations du romantisme le font considérer par certains historiens comme une sorte de signe avant-coureur de la peignoir-attitude : l'attrait pour la nature, la recherche de l'authenticité, de la sincérité des sentiments... Les prémisses de l'explosion en quelque sorte. Celle-ci arrive à peine plus tard, lorsque le Second Empire, sous la conduite de Napoléon III, compose un alliage détonnant : plaisir de la fête + progrès de la médecine + engouement pour les villes d'eaux. La pandémie thermale est prête à se répandre...

La fièvre thermale correspond à la période précise où ont été élaborés le peignoir de bain et la bouclette-éponge. Est-ce une coïncidence ? Nous soutenons qu'il n'en est rien. Car le thermalisme moderne ne saurait exister sans le peignoir. Quant au peignoir, il n'aurait jamais connu un succès fulgurant sans le développement du thermalisme. L'un est inconcevable sans l'autre.

Cependant, force est de constater que c'est le développement du thermalisme qui a entraîné celui du peignoir et non l'inverse. Le thermalisme, qui remonte d'ailleurs à l'Antiquité a effectivement connu dès le XIXe siècle un engouement triomphant, alors que le peignoir allait faire une percée d'abord timide et progressive. Avant le tout début du siècle suivant, il n'est attesté que des formes bénignes de peignoirisme, sans cas connu de port permanent du peignoir.

Cependant, la fièvre thermale est le premier exemple de phénomène massif lié à la recherche du bien-être durable, sous la forme de villégiatures, de souci de sa santé, de beautés architecturales, associés aux plaisirs et aux fêtes... Le phénomène est alors assez proche de ce qui a été identifié aux tout premiers siècles de notre ère : une peignoir-attitude sans le peignoir. Mieux : pour la première fois dans l'Histoire, les loisirs deviennent un élément fondamental de la thérapie. Nous sommes bien là à un tournant décisif.

De fait, si l'Accro du peignoir proprement dit n'apparaît pas avant les années 1900, les premiers symptômes sont enregistrés. En voici quelques exemples répertoriés par les historiens-chercheurs :

1842

Le baron de Sourcemire, connu pour ses excentricités, fait plusieurs apparitions en peignoir de bain lors des fêtes estivales de Châteauneuf-les-Bains.

1855

Un groupe de couturiers et de critiques de mode en villégiature à Evaux-les-Bains organise une petite fête champêtre à l'occasion des cinquante ans de la création du peignoir de bain. Une consigne est donnée : tous les participants doivent porter le peignoir. Selon la gazette locale, c'est un succès.

1856

Encouragées par l'hebdomadaire L'Illustration, les dames de la bonne bourgeoisie s'entichent de la bouclette-éponge, ce nouveau tissu incroyable importé d'Angleterre. Sans aller jusqu'à porter le peignoir de bain hors des thermes, ces dames arborent en après-midi, dans les villes d'eaux, d'élégants châles en tissu-éponge, des petites vestes, des sur-jupons et autres accessoires de mode dans la même matière. Cette vogue va perdurer tout au long de la saison des eaux mais restera sans lendemain, la soie et la laine de cachemire reprenant leur prépondérance luxueuse dès les premiers frimas et le retour à la capitale.

1863

Profitant de l'enthousiasme porté par Napoléon III pour le développement des pratiques thermales, quelques personnes de la plus haute société tentent de lancer le peignoir de cour. Après des débuts prometteurs, il est signifié aux innovateurs que ces excentricités ne peuvent avoir cours à la cour. En dehors de quelques occasions dans les fêtes estivales des villes d'eaux du Massif central, les concernés reçoivent le message et coupent court au peignoir de cour.

1887

Un admirateur du baron de Sourcemire venu prendre les eaux à Vichy, dont l'histoire n'a pas retenu le nom, passe tout son séjour revêtu d'un élégant peignoir. Il ne s'agit pas exactement d'un cas d'addiction, puisque les témoignages concordants attestent que le personnage est revenu à un vêtement plus conforme à la norme dès son retour à Paris.
Cependant, une petite graine était semée. Elle ne germera que quelque vingt ans plus tard...

Découvrez-le dans un nouvel épisode : « Le siècle des Accros »

XIXe siècle : la ruée vers un or liquide

Si le thermalisme n'a jamais complètement disparu de nos montagnes depuis l'Antiquité, son second âge d'or, après l'époque romaine, est incontestablement le XIXe siècle. Notamment à l'époque du Second Empire, l'engouement de la bonne société française pour les villes d'eaux est telle qu'on parle, à son propos, de « fièvre thermale » : une version liquide et européenne de la ruée vers l'or? Le Massif central n'est pas en reste.

L'impulsion de Napoléon III

La « fièvre thermale » traduit un phénomène de grande ampleur : les personnes qui se rendent chaque année près des sources sont de plus en plus nombreuses ; les sources en exploitation se multiplient.

Le rôle des hommes d'affaires

Le succès ou l'échec de ces aventures thermales doit souvent beaucoup aux personnalités volontaristes qui portent et assurent le développement du thermalisme. Le « facteur humain » n'est pas négligeable.

Médecine et mondanités

La fièvre thermale relève aussi de progrès médicaux et techniques : on redécouvre, de façon scientifique, que les eaux peuvent soigner. Par la Loi du 19 juillet 1856, les sources minérales sont déclarées d'intérêt public.